JEFF BECK par Jean-Sylvain Cabot

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Jean-Sylvain Cabot propose la première exploration en Français du fulgurant guitariste…

Le livre Jeff Beck par Jean-Sylvain Cabot
Jeff Beck par Jean-Sylvain Cabot

Il y a cette scène d’un film des années soixante, du cinéaste Antonioni. Le héros – un photographe branché – entre dans un club de Londres. Un groupe joue Stroll On, un repiquage de Train Kept A-Rollin’. Il y a deux guitaristes. L’un tricote le riff sur sa Telecaster. Implacable. Ce jeunot, c’est Jimmy Page ! On entend un solo tout en fuzz. C’est l’autre à droite, le soliste qui traficote son ampli. Le son déraille. Il commence à cogner le Vox et furieux fracasse sa demi-caisse Höfner sur l’engin. Puis il la piétine et jette le manche à la foule jusque-là impassible. Le public se bat pour la relique que ramasse le photographe. Le nom du groupe ? Les Yardbirds ! Et le superbe frappadingue ? Jeff Beck bien sûr !

The Yardbirds – Stroll On – Blow Up (1966)

Stratocaster

Gamin de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il est né en 1944, Jeff Beck craque un jour en entendant à 7, 8 ans un titre de Les Paul à la radio, un truc avec des sons de guitare qui l’intriguent. Mais surtout, raconte Jean-Sylvain Cabot dans son nouvel ouvrage, il ressent une véritable révélation artistique en découvrant en 1957 Gene Vincent et son guitariste, Cliff Gallup. Alors le kid se met même à bricoler sa guitare électrifiée, une imitation de Stratocaster faite de bric et de broc. Ensuite arrivent ses groupes de potes, plutôt Rockabilly et surtout sa première vraie guitare électrique, évidemment une Fender Stratocaster Sunburst ! L’autre grande étape formatrice chez Beck, c’est sa découverte du Chicago Blues, et notamment de Buddy Guy. Parallèlement, Jeff rencontre entre 1961 et 62 un autre gars tout aussi dingue de six cordes, un certain Jimmy Page. Les deux vont devenir amis pour la vie, même si leur relation sera parfois houleuse…

Feedback

Vers 1963 / 1964, les musicos commencent à parler de ce type qui a un jeu virtuose mais étonnant. Car précise l’auteur, pour Beck, la guitare électrique peut générer aussi des sons différents, inouïs. Avant tout le monde ou presque, quoiqu’en dise Pete Townshend des Who, note Jean-Sylvain Cabot, il s’intéresse au feedback en triturant ses amplis, puis aux nouveaux effets : distorsion, fuzz, écho, plus tard la wah-wah ou la Talk Box… De même, il développe une utilisation personnelle du vibrato et du bottleneck. Beck l’un des grands innovateurs !
Lorsqu’en 1965, Eric Clapton quitte les Yardbirds, on contacte d’abord Jimmy Page qui refuse provisoirement en mettant en avant son copain, l’audacieux Jeff Beck. L’aventure sonique commence là…

The Yardbirds – Shapes Of Things (1966)

Après le feuilleton Yardbirds en 1966, dont un essai de duels au sommet avec Page, le guitariste, viré du quintet mais qui par son jeu extravagant a participé à la naissance du Rock Psychédélique, part à la recherche d’un nouveau style. Car en parcourant l’écrit passionnant de Jean-Sylvain Cabot, on reste intrigué par cet autre aspect de la carrière de Jeff Beck : l’inconstance. L’auteur dénoue parfaitement d’ailleurs ce qui dépend dans son parcours du domaine de la chance ou de la poisse – il sera victime plusieurs fois de maladies ou d’accidents -, des actions extérieures – par exemple de Page ou des mauvaises critiques -, et du caractère même du guitariste que certains trouvent versatile voire lunatique.

Hot Rod Beck par Poup
Hot Rod Beck par Poup

Essayer autre chose

Quoiqu’il en soit, en montant le Jeff Beck Group en 1967, et en agglomérant les meilleurs dont Rod Stewart au chant, Beck a l’intuition d’un rock lourd, préfigurant le Hard Rock. Mais il va se faire doubler par l’ami Page et son gang à lui : Led Zeppelin. Manque de pot, le Jimmy est un acharné et a une vision à long terme de son équipage. L’opposé de Beck et sa bougeotte. Et puis, Page compose, ce qui n’est pas la priorité de son ami. Résultat : deux chefs-d’œuvre, Truth (1968) et Beck-Ola (1969), des concerts intenses mais sans suite.

The Jeff Beck Group – Plynth – Beck-Ola (1969)

De toute façon rappelle Jean-Sylvain Cabot, le guitariste a déjà envie d’essayer autre chose, avec d’autres musiciens. Ça sera le tournant Soul Rock de la second mouture du Jeff Beck Group pour les LP Rough and Ready en 1971 et Jeff Beck Group courant 72. Avant à nouveau, un retour au son plus Heavy pour un Power trio de rêve : Beck, Bogert & Appice entre 73 et 74. Mais là aussi sans continuité…

Jeff Beck Group – Tonight I’ll Be Staying Here With You Live At Beat Club (1972)

Car à partir du milieu des années soixante-dix, Beck est fasciné cette fois par le Jazz fusion. Aidé de George Martin, le producteur des Beatles, il va réaliser successivement deux albums sous son nom uniquement et entièrement instrumentaux, Blow By Blow (1975) et Wired (1976), une paire ovationnée à nouveau par le public et cette fois la critique…

Jeff Beck – Air Blower – Blow By Blow (1975)

Sa plus belle constance

Les années suivantes le verront alterner Jazz-Rock (There And Back / 1980), Rock plus mainstream (Flash / 1985), hommage à son idole Cliff Gallup (Crazy Legs / 1993) voire Electro (Who Else / 1999)… De même, Jeff Beck joue les accompagnateurs de luxe pour Tina Turner, le copain Mick Jagger, Roger Waters, ou Kate Bush. Alors qu’il devient le Parrain symbolique d’un tas de guitaristes, s’il peut désarçonner voire décevoir l’auditeur lambda par son éclectisme devenu légendaire, il convint par sa touche toujours unique, innovant encore en délaissant les médiators. Finalement, c’est sa plus belle constance jusqu’à sa disparition en 2023.

Jeff Beck (Avec Jimmy Page) – Rock and Roll Hall of Fame’s Induction Ceremony (2009)

Avec enthousiasme et érudition, Jean-Sylvain Cabot couvre ainsi tous les épisodes du parcours en grand huit de Jeff Beck, les aspects biographiques – avec son autre passion, les Hot Rods – comme ses multiples créations. Les amateurs de technique trouveront également ça et là des précisions sur le jeu, les différentes guitares et les amplis du maestro ainsi que les effets qu’il utilisait. Ce livre, tous et toutes les fans / es francophones de Jeff Beck l’espéraient de leurs vœux, remerciements donc à Jean-Sylvain Cabot pour les avoir exaucés.

Bruno Polaroïd / Illustration : Poup

Jeff Beck par Jean-Sylvain Cabot – Le mot et le reste – 288 pages – 23,00 Euros – Disponible depuis le 18 Octobre 2024

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